Cass. soc. , 15 mai 2024, n° 22-17.195, Publié au Bulletin
Un accord de substitution peut rétroagir à une date antérieure à sa signature, mais pendant cette période allant de sa prise d’effet à sa signature, ses dispositions ne peuvent pas priver les salariés des droits qu’ils tiennent de la Loi ou du principe d’égalité de traitement.
Sept mois après un transfert d’entreprise, le nouvel employeur conclut avec ses organisations syndicales représentatives un accord de substitution afin de remplacer les accords collectifs qui étaient en vigueur chez l’ancien employeur.
Une clause de cet accord de substitution prévoit que ses dispositions s’appliqueront de manière rétroactive à la date du transfert d’entreprise.
Un salarié saisit le juge prud’homal afin de demander des rappels de salaire au titre de la période allant de la date du transfert d’entreprise à la date de signature de l’accord de substitution, en avançant que :
-La grille de rémunération conventionnelle applicable chez son ancien employeur aurait dû lui être appliquée pendant cette période, en application du principe légal de survie temporaire des accords collectifs à la suite d’un transfert d’entreprise ;
-Un accord collectif ne peut pas prévoir qu’il sera applicable de manière rétroactive à une date antérieure à sa signature.
La Cour de cassation confirme la position du juge d’appel déboutant le salarié de sa demande.
En application de l’article L.2261-14 du code du travail et de sa jurisprudence constante selon laquelle un accord collectif peut prévoir l’octroi d’avantages salariaux pour une période antérieure à sa signature, mais ne peut pas, pendant cette période, priver les salariés des droits qu’ils tiennent de la loi ou du principe d’égalité de traitement, la Cour de cassation conclut que :
-L’accord de substitution peut bien rétroagir à la date du transfert d’entreprise –
-Mais que pendant cette période allant de la date du transfert d’entreprise à la date de signature de l’accord de substitution, celui-ci ne peut pas priver les salariés des droits qu’ils tiennent du principe d’égalité de traitement ou de la Loi (et notamment du droit légal à pouvoir bénéficier des accords collectifs en vigueur chez leur ancien employeur jusqu’à la signature d’un accord de substitution ou, à défaut, pendant les 15 mois suivant le transfert d’entreprise, conformément à l’article L. 2261-14 du code du travail).
Ce qui revient donc à considérer que sur cette période allant du transfert d’entreprise à la signature de l’accord de substitution, seules les dispositions de l’accord de substitution plus favorables aux salariés peuvent rétroagir.
L’intérêt de cet arrêt est double :
-Il confirme que sa Jurisprudence constante sur la rétroactivité de l’accord collectif s’applique dans les mêmes conditions pour l’accord de substitution ;
-Il précise la notion de « droits que les salariés tiennent de la Loi » en indiquant que le principe de survie temporaire des accords collectifs automatiquement mis en cause du fait du transfert est bien un droit que les salariés tiennent de la Loi, de sorte que l’accord de substitution peut rétroagir pendant la période de survie temporaire mais toujours de manière plus favorable que les accords mis en cause.