En commission mixte paritaire du 22 mars 2020, le Parlement a modifié et adopté le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, soumis à une procédure accélérée. Me Alexandre FRECH, avocat collaborateur au sein de Lusis Avocats décrypte pour vous les nouvelles dispositions et vous présente les mesures économiques de la loi d’urgence covid-19.
Ce projet de loi comprend trois grands volets, avec des dispositions électorales, des dispositions venant préciser l’état d’urgence sanitaire et 10 pages de dispositions portant mesure d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19.
Le premier article vise spécifiquement les délibérations des collectivités territoriales, ce qui n’est pas l’objet du présent article.
Avant toute chose, il convient de comprendre ce qu’est « l’état d’urgence sanitaire », sujet abordé dans l’article suivant : « Qu’est-ce que l’état d’urgence sanitaire ? ».
Le projet de Loi d’urgence prévoit que le Gouvernement peut prendre par ordonnances, sous 3 mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, dont notamment celles visant à prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques ou morales exerçant une activité économique, ou des associations.
Des mesures visant à prévenir et limiter les conséquences administratives ou juridictionnelles de la propagation de l’épidémie (et des mesures prises pour la limiter) peuvent aussi être prises par le Gouvernement. Ces mesures concernent notamment les contentieux en cours pour nombre d’entreprises. C’est pourquoi, elles feront l’objet d’un prochain article de Lusis Avocats.
A titre d’information, la loi prévoit aussi des mesures spécifiques (que nous ne traiterons pas dans un souci de concision) afin de :
Il convient de noter à titre liminaire que la Loi d’urgence inclus une double péremption : toute mesure prise en vertu de l’état d’urgence sanitaire doit cesser avec la fin de l’urgence ; et en tout état de cause, les dispositions prévues par la loi sont soumises à une « date de péremption » fixée au 21 mars 2021.
Les détracteurs du texte sont donc rassurés, les acquis sociaux touchés ne seront bouleversés que pour une durée déterminée.
Afin de prévenir et limiter la cessation d’activité, le Gouvernement est habilité à prendre toute une série de mesures économiques visant à prévenir et limiter la cessation d’activité (B). Et en matière de droit du travail, l’ordonnance ouvre de nombreuses possibilités au gouvernement, en matière individuelle et en matière collective (A).
Une adaptation en profondeur du régime d’activité partielle est donc à prévoir, par ordonnance.
A ce titre, actuellement, tout salarié ayant 1 an d’ancienneté dans l’entreprise a droit en cas d’absence au travail justifiée par une incapacité résultant de la maladie ou d’un accident constaté par certificat médical, à une indemnité complémentaire à l’allocation journalière de sécurité sociale, à condition :
Une modification de ces règles, excluant les travailleurs à domicile, devrait donc être mise en œuvre par ordonnance.
Cette mesure s’applique seulement aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale. Il faut sans doute comprendre que sont ainsi visées par exemple les industries pharmaceutiques mais aussi les commerces de denrées alimentaires, le transport et la logistique. Attention donc, à la sortie d’une éventuelle ordonnance sur ce sujet, à bien faire partie des activités visées, les dispositions (et sanctions) continuant de s’appliquer aux autres employeurs.
Le texte précise que ces modifications seront exceptionnelles. Sont certainement visées ici les intérêts de retard de versement de l’intéressement, que l’on verrait bien être supprimés au regard de l’état d’urgence ainsi que les modalités de versement de la réserve de participation, mesures qui pourraient peser lourdement sur les finances de l’entreprise en temps de crise.
Cela fait sans doute écho à la proposition gouvernementale visant à verser une prime aux salariés qui continuent de travailler malgré les risques, durant l’épidémie. Reste à savoir s’il sera possible de réserver le bénéfice de cette prime aux seuls salariés travaillant sur site durant cette période, ce que ne permet le mécanisme actuel.
Cette mesure vise notamment le suivi de l’état de santé des travailleurs. En effet, il conviendra de définir les règles de suivi des travailleurs qui n’ont pu rencontrer le médecin du travail du fait de l’épidémie, ou qui reviendraient d’une importante période de maladie liée au Covid-19.
Une modification des durées d’attribution des indemnités de chômage (allocation de retour à l’emploi est donc à prévoir parmi les mesures annoncées).
Le Gouvernement peut sur ce point décider de modifier la définition du corps électoral, et proroger à titre exceptionnel la durée des mandats des conseillers prud’homaux et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles.
Le CSE est ici clairement visé, afin, on l’imagine aisément, que les avis soient rendus dans des délais désormais plus stricts et de « suspendre les processus électoraux des CSE en cours ». Il convient aussi de s’interroger sur la possibilité qui serait donnée à l’employeur de réunir les prochaines réunions de CSE par visio-conférence, de manière dérogatoire aux règles en vigueur dans l’entreprise.
Cette disposition pourrait notamment permettre aux employeurs, organismes de formation et opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations ainsi que d’adapter les conditions de rémunération et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle.
Le Gouvernement est habilité par la Loi a prendre toute mesure visant à :
Il convient néanmoins de rappeler qu’aucune des présentes mesures, visées dans le texte émanant de l’Assemblée Nationale, n’est d’application directe, en ce que la Loi n’est qu’une habilitation pour le gouvernement à adopter ces mesures par ordonnance, dans des modalités restant à découvrir.