Publications

Le CSE doit être consulté sur l’accord GPEC dès lors que les mesures sont de nature à affecter le volume de l’emploi

Cass. soc. 29 mars 2023, n°21-17.729 FS+B+R

Les réformes successives intervenues depuis 2015 ont sensiblement modifié l’articulation entre négociation collective et consultation du CE, puis du CSE (loi n°2015-994 du 17 août 2015, loi n°2016-1088 du 8 août 2016, loi d’habilitation n°2018-217 du 29 mars 2018).

Ainsi, l’article L.2312-14 du Code du travail prévoit que :

« Les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du comité social et économique, sauf, en application de l’article L. 2312-49, avant le lancement d’une offre publique d’acquisition.

Les projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à la consultation du comité.

Les entreprises ayant conclu un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ne sont pas soumises, dans ce domaine, à l’obligation de consultation du comité social et économique. »

Dans ce contexte, la jurisprudence continue de dessiner les contours de cette question.

La décision du 29 mars dernier apporte un éclairage sur le dernier alinéa de cette disposition, prévoyant spécifiquement que, lorsque l’entreprise est dotée d’un accord GPEC, le CSE n’a pas à être consulté en cette matière, laquelle constitue l’un des volets de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques. Autrement dit, l’accord GPEC est exclusif de toute consultation du CSE.

En l’espèce, le Groupe THALES conclut un accord GPEC au mois d’avril 2019. Quelques mois plus tard, en application de cet accord, le CSE est informé de l’avancement d’un projet, s’inscrivant dans le cadre de l’accord GPEC, intitulé « Plan équilibre », qui prévoyait l’adaptation des compétences de 15 à 20 postes de deux départements, impliquant des mobilités des salariés au sein de l’entreprise ou du Groupe, et affectant le volume d’emploi de l’un de ces départements.

Le CSE central et le CSE de l’établissement en question, qui considèrent qu’ils auraient dû être consultés et non seulement informés, portent l’affaire en justice.

Au visa de l’article L.2312-24 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle que le CSE est consulté « sur les orientations stratégiques de l’entreprise, […] et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages ».

Elle rappelle, ensuite, que l’article L.2312-8 du Code du travail prévoit que le CSE est consulté « sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ».

Partant de ces principes, les juges relèvent, dans cet accord GPEC, à travers le « Plan équilibre », « l’existence d’une mesure de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs au sens de l’article L.2312-8 du Code du travail », sur laquelle le CSE central aurait dû être consulté, indépendamment de l’accord lui-même.

Elle conclut donc qu’un accord GPEC doit donner lieu à consultation du CSE dès lors qu’il rentre dans son périmètre général de consultation en matière d’organisation, de gestion et de marche générale de l’entreprise, notamment lorsqu’il comprend des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs.

Ce faisant, la Cour retient comme critère ouvrant droit à consultation du CSE au titre de ses attributions générales, celui de l’impact sur le volume ou la structure des effectifs, peu important qu’un accord GPEC ait été conclu.      

In fine, la Cour ne fait ici qu’expliciter l’articulation rigoureuse des dispositions légales qui doit être appréhendée par l’entreprise déployant tout projet d’ampleur, dont il résulte que :

  • En dépit de la stipulation introduite en 2015 selon laquelle la conclusion de l’accord collectif ne constitue pas, en tant que telle, un objet de consultation du CSE (disposition destinée à mettre fin à la jurisprudence constante issue de l’arrêt « EDF » n°96-13.498 du 5 mai 1998),
  • Il convient d’examiner si le projet « porté » par l’accord collectif ne justifie pas, en lui-même, la consultation du CSE au titre de ses attributions consultatives générales.

En l’espèce, la décision concerne l’hypothèse spécifique de l’accord GPEC et de l’attribution du CSE en matière d’évolution des effectifs, mais ce raisonnement est transposable à tout type d’accord collectif.