Cass. Soc. 19 avril 2023, n°21-23.348
Afin de limiter les cas de carence de délégué syndical, la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 a prévu la possibilité, pour les organisations syndicales représentatives, de désigner comme délégué syndical un salarié n’ayant pas obtenu 10% de suffrages aux dernières élections professionnelles, lorsque l’ensemble des élus qui remplissaient cette condition ont renoncé par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical (article L. 2143-3, al. 2 du Code du travail).
Si la Cour de cassation a déjà été interrogée à plusieurs reprises sur l’interprétation de cette disposition, la question de la portée de cette renonciation demeurait en suspens.
Cette renonciation vaut-elle pour toute la durée du cycle électoral ?
La Cour de cassation a tranché, pour la première fois, cette question.
En l’espèce, une salariée ayant obtenu plus de 10% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, avait été désignée en qualité de déléguée syndicale. Cette dernière ayant quelques mois plus tard, renoncé à cette désignation par écrit, le syndicat désigne l’une de ses adhérentes pour la remplacer.
Un an plus tard, et au cours du même cycle électoral, le syndicat la désigne à nouveau en remplacement cette fois d’un autre délégué syndical, en dépit de sa précédente renonciation à son premier mandat.
Soutenant que cette désignation est irrégulière au motif que la renonciation au droit d’être désigné délégué syndical vaut pour tout le cycle électoral, l’employeur saisit le Tribunal Judiciaire d’une demande d’annulation de celle-ci.
Le Tribunal Judiciaire, approuvé par la Cour de cassation, rejette cette demande.
Dans un arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation précise que la renonciation par l’élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE, au droit d’être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu, n’a pas pour conséquence de priver l’organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l’auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical.
La Cour de cassation balaie ainsi l’argumentaire de l’employeur et affirme, pour la première fois, que la renonciation au droit d’être désigné délégué syndical n’a pas de caractère définitif pour la suite du cycle électoral.
Il en résulte qu’une telle renonciation n’est valable :
Partant, un syndicat représentatif conserve la possibilité de désigner comme délégué syndical un salarié ayant précédemment renoncé à un premier mandat de délégué syndical au cours du même cycle électoral, sans attendre les prochaines élections professionnelles.
Cette position, bien qu’inédite, est conforme à l’esprit de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 et à la volonté du législateur d’« éviter l’absence de délégué syndical dans les entreprises ».