Dans cet arrêt la chambre criminelle de la Cour de cassation apporte des précisions sur la possibilité de modifier l’ordre du jour d’une réunion du CCE en début de réunion, sans respecter le délai de 8 jours prévu par la loi.
Lors d’une réunion du 1er octobre 2015 un comité central d’entreprise vote une délibération donnant mandat à son secrétaire pour agir en justice pour délit d’entrave. Le comité reproche à l’employeur d’avoir omis de l’informer et de le consulter préalablement à la mise en œuvre d’un document appelé « revue du personnel », destiné à aider les managers lors de leurs entretiens d’évaluation. Le CCE intente alors une action à l’encontre de la société devant le tribunal correctionnel sur la base de la délibération adoptée lors de la réunion du 1er octobre 2015.
Devant le tribunal correctionnel l’entreprise invoque l’irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité, en raison de l’irrégularité de la décision autorisant son secrétaire à agir en justice du chef d’entrave.
Le tribunal correctionnel, puis la Cour d’appel rejettent la demande d’irrecevabilité de la société qui se pourvoit en cassation.
Elle fait valoir que la délibération par laquelle le comité a donné mandat à son secrétaire pour agir en justice est irrégulière car elle n’a pas été préalablement inscrite à l’ordre du jour de la réunion et ne présente aucun lien avec les questions qui devaient être débattues. L’entreprise ajoute qu’en conséquence les membres titulaires absents ont été privés de toute possibilité de s’exprimer sur ce sujet.
La chambre criminelle rejette le pourvoi de la société.
La Cour de cassation considère que le délai de 8 jours prévu par l’article L2327-14 du code du travail dans lequel l’ordre du jour doit être transmis aux membres du comité central est édicté dans leur intérêt, afin de leur permettre d’examiner les questions à l’ordre du jour et d’y réfléchir.
Or, la chambre criminelle relève qu’il résultait du procès-verbal de la réunion du comité que la modification de l’ordre du jour avait été adoptée à l’unanimité des membres présents, sans objection de sorte qu’il en résulte que ces derniers avaient accepté de discuter de la question du mandat, considérant ainsi avoir été avisés en temps utiles.
Cette décision, rendue à propos de l’ancien comité central d’entreprise est transposable au Comité social et économique central, l’article L2316-17 du code du travail étant identique aux anciennes dispositions relative au CCE. Le raisonnement de la chambre criminelle pourra donc également facilement être transposé CSE.
En revanche, il n’est pas certain que la chambre sociale de la Cour de cassation rejoigne la position de la chambre criminelle. En effet celle-ci considère que seules les questions inscrites à l’ordre du jour ou en lien avec celles-ci peuvent faire l’objet d’une délibération (cass.soc.27 mai 2021 n°19-24.344).
Suggérer que les dispositions qui régissent la qualité de débat au comité central d’entreprise sont édictées dans le seul intérêt des élus revient à nier le rôle du Président et l’intérêt d’un débat loyal et contradictoire.
C’est renvoyer la lecture des relations sociales au début des années 80 .
Plusieurs arguments pourraient, en effet, légitimement justifier que la chambre sociale ne suive pas la solution retenue par la chambre criminelle :
Bref, en validant l’adjonction d’un point important :
Enfin et pour conclure, ajouter ainsi – inopinément un point d’ordre du jour à l’ouverture de la séance du CCE, sans permettre à tous de s’y préparer répond-il à une application « loyale » de la loi, telle que la chambre sociale invite ses acteurs à la pratiquer ?
A l’évidence non.