Publications

Avis d’inaptitude : une formulation équivalente peut suffire à dispenser l’employeur de rechercher un reclassement

Cass. Soc., 12 février 2025, n°23-22.612

Pour mémoire, en matière d’inaptitude, l’employeur est tenu de rechercher un reclassement pour le salarié concerné, sauf si le médecin du travail mentionne expressément que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »[1].

Afin d’éviter toute interprétation erronée, un modèle d’avis d’inaptitude incluant des cases à cocher a été instauré par l’arrêté du 16 octobre 2017, permettant au médecin du travail de retenir l’une des deux hypothèses de dispense de reclassement.

Certains médecins rédigent toutefois leurs propres formulations.

Dans cette affaire, un salarié placé en arrêt maladie a été déclaré inapte par le médecin du travail, qui a précisé dans son avis que son état de santé ne permettait pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise dans les termes suivants :

« l’état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste ».

Le salarié a contesté son licenciement, soutenant que l’avis d’inaptitude ne reproduisait pas à l’identique la mention prévue à l’article L. 1226-2-1 du Code du travail. Il considérait que cette absence de mention explicite devait obliger l’employeur à rechercher un reclassement.

La Cour de cassation, pour la première fois, juge que l’obligation de reclassement peut être levée dès lors que la formulation de l’avis d’inaptitude est équivalente à celle prévue par le Code du travail et valide ici la dispense de reclassement par l’employeur.

La Cour de cassation avait jusqu’à présent adopté une approche stricte et sévère quant à la formulation de l’avis d’inaptitude en jugeant par exemple que les formulations :

  • « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi  dans cette entreprise»[2]
  • « tout maintien dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé »[3]
  •  « l’état de santé du salarié fait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi »[4]

suffisaient à remettre en cause la dispense de reclassement ; le médecin ayant réduit ces constats au site et non à l’entreprise ou à l’entreprise et non à son groupe d’appartenance.

En pratique, cette décision semble offrir la possibilité pour le médecin du travail d’utiliser une formule équivalente aux formules légales de dispense de reclassement, à condition que l’avis d’inaptitude soit suffisamment clair et explicite notamment sur le périmètre de l’inaptitude.

Toutefois, malgré cet assouplissement jurisprudentiel, il est recommandé de rester vigilants quant aux termes employés par les médecins dans les avis d’inaptitude lorsqu’ils ne correspondent pas strictement à la formulation légale. En pareille circonstance, il est préférable de réécrire au médecin afin de lui faire clarifier sa position.


[1] Article L. 1226-2-1 du Code du travail

[2] Cass. Soc., 8 février 2023, n° 21.11.356

[3] Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-12.970

[4] Cass. soc., 13 déc. 2023, n° 22-19.603